L’Arganier et l’Amazighia, non ce n’est pas une fable de la Fontaine Au-delà du rôle de la Femme Amazigh ou Amazighia, dans l’écosystème de l’Argan, la question traitée ici est celle du lien indéfectible qui l’unit avec cet arbre unique qu’est l’Arganier.
Pourquoi, comment cet arbre historiquement chéri et sacralisé, demeure-t-il une source de vie pour les berbères ? Comment les femmes ont-elles réussi à se l’approprier et comment en est-il devenu un symbole d’émancipation ?

« Tous les remèdes se trouvent dans l’arganier »
Une vielle chanson berbère chantée par les femmes disait : « Tous les remèdes se trouvent dans l’arganier, Dès qu’on le met dans les cheveux, ils deviennent beaux, L’arganier est plus aromatique que tous les parfums, Que le malade se masse avec, il guérit, Tous les remèdes se trouvent dans l’arganier, Et voilà qu’à présent je l’ai retrouvé, Cela fait des années que je le cherche ».

Les nombreux usages et traditions développées autour de l’Arganier se transmettent par voie d’imitation, de façon non formelle, de familles en familles.

« Rien ne se perd chez l’Arganier ! »

Espèce-relique, sauvage et endémique du Maroc, elle est adaptée aux climats arides et joue historiquement trois rôles essentiels, rendant son usage écologique, car rien ne se perd chez l’Arganier ! En commençant par l’extraction de son huile – rôle fruitier – rapidement devenue une source de revenus après avoir été éprouvée tant sur ses qualités nutritionnelles(alimentaires) que cosméticeutiques. Hommes et bétails – rôle fourrager s’accordent à y trouver un repas de choix puisque les chèvres raffolent de la pulpe séchée et des résidus d’huile! Un autre rôle majeur, commun aux arbres en général, est simplement forestier : extrêmement dur, le bois de l’Arganier est particulièrement apprécié pour la réalisation de charpente et constitue un isolant écologique. Enfin, il participe crucialement à la lutte contre l’érosion pluviale en fixant le sol des collines qu’il peuple. Il dresse un rempart contre la désertification des zones pré sahariennes de la plaine du Souss.

« Il lui faut environ 10 heures de travail pour en produire 1L »

Revenons sur ce rôle fruitier via l’extraction de l’huile d’Argan, mais aussi sur celui de l’Amazighia. Rappelons que la femme Amazigh était la cheville ouvrière de la famille et du douar (village). À la fois gardienne de troupeau, elle approvisionnait le foyer en eau, pilait le grain, nourrissait les bêtes et sa petite famille. Lorsqu’il lui restait un peu de temps, elle l’occupait généralement à dépulper les fruits, casser les noix, écraser les amandons pour en extraire cet « Or vert ». Il lui faut environ 10 heures de travail pour en produire 1L… Processus de fabrication traditionnel, même ancestral.
Long et fastidieux, les femmes ont naturellement et depuis toujours pris en charge cette tâche à la fois chronophage et gratifiante. Réunissant toutes les générations, des rites anciens subsistent encore, mais loin du regard des visiteurs. Par exemple, pendant le malaxage de la pâte, l’évocation de la bénédiction de Lalla Fatima-Zahra, fille du prophète Mahomet, rassure sur les bienfaits et le bien-être apportés par cette huile en devenir. Tous les ans, une fête célèbre en famille le début de la saison d’extraction par l’organisation d’un concours de rapidité d’extraction de l’huile d’argan à partir des premières récoltes.

«Cette huile sacrée, qu’elle donne de façon symbolique à son bébé avant son propre lait, est bien souvent sa seule source de revenus.»

L’huile « d’Argane » porte une dimension particulière dans le cœur des berbères qu’illustre parfaitement Rachida Nouaïm dans son livre intitulé l’Arganier au Maroc, entre mythes et réalités. Elle dit (en parlant de l’huile d’Argan) : « […] Cette huile sacrée, qu’elle donne de façon symbolique à son bébé avant son propre lait, est bien souvent sa seule source de revenus. »
En effet, initialement non pécuniaire, l’huile de l’Arganier est devenue, avec le temps, un très bon complément aux revenus du foyer, et qui lui permet d’accéder à l’éducation – pour elle et ses enfants – à la santé, ou simplement pour se faire plaisir.

Cet objectif, in fine, d’indépendentisation de la femme berbère est passé/passe par différentes étapes et constitue un défi, non loin facile, que ce sont fixé les coopératives d’Argan de la région. Une première étape est d’améliorer la transparence des transactions et l’élimination progressive des intermédiaires et grossistes. La 2ème étape (parallèle) fut la création des associations d’Argan, dans un but social, écologique et de développement durable, qui ont permis d’améliorer nettement les conditions de travail des femmes, et d’automatiser l’extraction de l’huile après concassage
manuel.

« Ces mêmes coopératives font face à de nombreux défis »
De nos jours, ces mêmes coopératives font face à de nombreux défis comme ceux de leur développement économique en travaillant sur des solutions de commercialisation durables, ou encore la diminution de la pénibilité du processus de fabrication, et surtout la préservation du patrimoine local qui subit depuis plusieurs années une dégradation notable.
La proclamation du 10 mai 2021 comme Journée internationale de l’Arganier, par l’ONU et coparrainée par 113 États Membres, redonne un espoir fort de préservation écologique et patrimoniale…